L’Enlèvement
LycéeNouveauté(Rapito) de Marco Bellocchio, avec Paolo Pierobon, Fausto Ruso Alesi, Barbara Ronchi, Enea Sala, Italie, 2023, 2h15
Synopsis
En 1858, dans le quartier juif de Bologne, les soldats du Pape font irruption chez la famille Mortara. Sur ordre du cardinal, ils sont venus prendre Edgardo, leur fils de sept ans. L’enfant aurait été baptisé en secret par sa nourrice étant bébé et la loi pontificale est indiscutable : il doit recevoir une éducation catholique. Les parents d’Edgardo, bouleversés, vont tout faire pour récupérer leur fils. Soutenus par l’opinion publique de l’Italie libérale et la communauté juive internationale, le combat des Mortara prend vite une dimension politique. Mais l’Église et le Pape refusent de rendre l'enfant, pour asseoir un pouvoir de plus en plus vacillant...
Avis Cinélangues
À 82 ans, Marco Bellocchio signe un film puissant qui représente à la fois une leçon d’histoire, d’humanité et de cinéma. « L’Enlèvement » mêle étroitement la narration du rapt et de la rééducation religieuse d’Edgardo, le calvaire de ses parents et la grande Histoire italienne. Cette dernière se concentre dans la figure de Pie IX, aussi raide dans ses dogmes que dépassée par les bouleversements qui agitent le monde. Nous nous trouvons en plein « Risorgimento », période qui mène à l’unité de l’Italie et à la fin du pouvoir temporel du Pape. Sous la férule réactionnaire de Pie IX, la doctrine de l’Église se radicalise. Les quelques droits concédés aux autres confessions, en particulier aux juifs, sont réduits. C’est dans ce contexte que la police pontificale de Bologne arrache Edgardo à sa famille. Les parents remuent ciel et terre pour récupérer leur garçon. Inflexible aux demandes des parents, Pie IX décide d’élever leur garçon sous sa propre surveillance, à Rome. Le destin d'Edgardo (son combat intérieur, son lavage de cerveau, son identité à jamais perdue et sa lente reconstruction) sonne comme une condamnation sans appel de l’emprise de l’intégrisme religieux sur l’être humain. Ce n’est pas la première fois que Bellocchio s’intéresse à la pression que les institutions les plus puissantes (l’État, l’église, la mafia) exercent sur les individus. Il révèle, dans ce film, les mécanismes du pouvoir clérical qui se sert d’une violence douce, malgré la cruauté de ses actions. Composé comme une grande fresque, mis en scène dans un magnifique clair-obscur et rythmé par une musique saisissante, « L’Enlèvement » accomplit une gageure : un film ample, fluide, bouleversant et passionnant de bout en bout.
Public conseillé : Lycée
Thèmes et Axes
Seconde : Représentation de soi et rapport à autrui
1ère-Terminale : Expression et construction de soi (Construction de l’individu face aux injonctions et aux normes sociales), Diversité et inclusion (discriminations), Territoire et mémoire (traces de l’histoire, devoir de mémoire)